Lire : Crim., 30 avril 2025, n° 24-84.382, Bull.
L’article 93 du code de procédure pénale permet au juge d’instruction de « se transporter (…) dans toute l’étendue du territoire national » pour « y procéder à tous actes d’instruction » et l’article 93-1 lui permet « dans le cadre d’une commission rogatoire adressée à un Etat étranger (…) et avec l’accord des autorités compétentes de l’Etat concerné, (de) se transporter (…) sur le territoire de cet Etat aux fins de procéder à des auditions ».
Le code distingue donc les actes d’instruction, devant être accomplis en France, et les auditions, pouvant être tenues à l’étranger.
Dans quelle catégorie ranger l’interrogatoire de première comparution suivi d’une mise en examen ? Et si c’est un acte de l’instruction au sens de l’article 93, la circonstance que l’Etat étranger autorise le juge français à procéder à une mise en examen sur son territoire permet-elle de justifier l’acte ?
Ce sont les questions que nous avons posées à la Chambre criminelle, dans une affaire où un juge d’instruction s’était transporté à Porto Rico pour mettre en examen notre cliente en présence et avec l’accord des autorités judiciaires étasuniennes.
La Chambre criminelle, réunie en formation élargie, par un arrêt publié et après plaidoiries (30 avril 2025, n° 24-84.382), a fait droit à notre thèse :
– « 15. Si l’audition au sens de l’article 93-1 du code de procédure pénale s’entend aussi d’un interrogatoire, ce texte exclut de son champ d’application l’interrogatoire de première comparution suivi de la mise en examen, acte créateur de droits et rendant possible la comparution devant une juridiction pénale »,
– « 16. Il en résulte que les juges d’instruction français ne pouvaient, sans méconnaître cette disposition, se transporter aux Etats-Unis aux fins de procéder eux-mêmes à l’interrogatoire de première comparution de Mme [O] suivi de sa mise en examen ».
Et pour cause, la mise en examen est un acte coercitif, qui peut conduire à la détention provisoire notamment. Elle est la manifestation de la puissance d’un Etat et ne peut donc s’exercer que dans les limites de son territoire. Et la circonstance que les autorités américaines aient donné leur accord était indifférente : ces autorités ne pouvaient pas rendre au juge un pouvoir qu’il avait perdu en quittant le sol français.
Accepterait-on que, demain, l’administration Trump procède à des mises en examen sur le sol français ?